La Turquie est accablée par les critiques après l’affront protocolaire ressenti par la présidente de la Commission européenne à Ankara. Le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, a fustigé, jeudi 8 avril, des « accusations injustes ».
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait été placée mardi par le protocole en retrait sur un divan lors d’une réunion des présidents des institutions de l’Union européenne (UE) avec le chef d’Etat turc Recep Tayyip Erdogan et le président du Conseil européen Charles Michel, ce qui a provoqué beaucoup de ressentiment mais aussi des frictions à Bruxelles.
Jeudi soir, le chef du gouvernement italien Mario Draghi a même traité M. Erdogan de « dictateur » et s’est déclaré « très navré par l’humiliation que la présidente de la Commission a dû subir ». Ces commentaires ont été qualifiés de « populistes, offensants et déraisonnables » par Mevlut Cavusoglu, qui a convoqué l’ambassadeur d’Italie à Ankara.
Auparavant, lors d’une conférence de presse, il avait estimé que « les accusations visant la Turquie sont injustes. La Turquie est un Etat profondément enraciné et ce n’est pas la première fois qu’on accueille des dignitaires étrangers ».
« Les demandes de l’UE ont été respectées. Cela veut dire que la disposition des sièges a été réalisée à leur demande. Nos services du protocole se sont rencontrés avant la réunion et leurs demandes [de l’UE] ont été respectées », a-t-il ajouté.
Mécontentement d’Ursula von der Leyen
Mais le service du protocole du Conseil européen, institution présidée par Charles Michel, a fait valoir jeudi qu’il n’avait pas eu accès au préalable à la salle où devait avoir lieu la réunion. « Si la pièce avait été visitée, nous aurions suggéré à nos hôtes que, par courtoisie, le divan soit remplacé par deux fauteuils pour la présidente de la Commission », a précisé ce service dans une lettre.
La scène avait été filmée et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Sous le hashtag #Sofagate, elle a suscité de nombreux commentaires sur l’inégalité de traitement entre les deux chefs des institutions européennes, et son caractère sexiste.
Mercredi, Ursula von der Leyen a fait connaître son mécontentement d’avoir été placée en retrait et a exigé d’être traitée comme l’égale du président du Conseil. Son porte-parole a affirmé que « les présidents des deux institutions ont le même rang protocolaire » mais le Conseil européen, l’organe représentant les Etats membres, a toutefois fait savoir que son président avait la préséance sur la Commission pour le protocole international.
Des réactions indignées en Europe
Les grands groupes politiques du Parlement européen ont déploré, jeudi, l’image de désunion donnée par les présidents des institutions lors de leur rencontre avec le président turc et leur ont demandé de venir s’expliquer en plénière. D’autant qu’elle survient quelques semaines après le retrait d’Ankara d’une convention européenne sur la prévention de la violence contre les femmes.
« La rencontre à Ankara des présidents von der Leyen et Michel aurait dû envoyer un message de fermeté et d’unité de l’approche européenne vis-à-vis de la Turquie. Malheureusement, elle s’est traduite par un symbole de désunion, les présidents n’ayant pas su faire front commun lorsque cela était nécessaire », a déploré l’Allemand Manfred Weber, président du Groupe du parti Populaire Européen PPE (droite pro-européenne).
La présidente du groupe des Socialistes et démocrates, l’Espagnole Iratxe Garcia Perez, a également demandé l’audition des présidents des deux institutions « pour clarifier ce qui s’est passé » et voir « comment faire respecter les institutions européennes ».
Charles Michel a assuré jeudi « regretter profondément » ce qui s’est passé à Ankara lors d’une intervention télévisée en Belgique. Il a expliqué ne pas avoir réagi « par crainte de créer un incident bien plus grave » et d’empêcher ainsi la tenue de la réunion, dont les enjeux étaient importants pour l’UE.
Les commentaires les plus virulents ont été proférés par la classe politique française, au moment où les relations entre Paris et Ankara sont marquées par de fortes tensions. « Ce sont des images qui font mal ! Je ne veux pas d’une Europe naïve, fragile », a déploré le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune. « C’est un affront qu’on corrigera, mais il ne faut pas laisser faire ce genre de choses. »