Les dirigeants ou responsables d’une trentaine de pays se sont retrouvés, vendredi 12 novembre, à Paris, à l’invitation du président Emmanuel Macron, pour tenter d’aider la Libye à tourner la page d’une décennie de chaos.
Ce sommet a permis d’« acter » les deux « objectifs principaux » de ses promoteurs, a dit le chef de l’Etat français, lors d’une conférence de presse, à savoir le soutien de la communauté internationale à la tenue d’élections prévues en fin d’année, et un processus de retrait des forces étrangères présentes en Libye.
« Il est important que toutes les parties prenantes libyennes se mobilisent résolument en faveur de l’organisation d’élections présidentielles et législatives libres, régulières, inclusives et crédibles le 24 décembre 2021 », ont souligné les participants. Le terme « inclusif » est souvent utilisé au sujet de la Libye pour signifier que toutes les personnalités doivent pouvoir se présenter, y compris les chefs de factions.
« Les personnes ou entités à l’intérieur ou à l’extérieur de la Libye qui tenteraient d’entraver, de remettre en cause, de manipuler ou de falsifier le processus électoral et la transition politique devront rendre des comptes et pourront être inscrites sur la liste du Comité des sanctions de l’ONU », ont-ils ajouté dans la déclaration finale.
Le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a également exhorté tous les camps rivaux libyens à contribuer au « processus électoral » et à « respecter » les résultats des élections.
« Les six semaines qui viennent sont déterminantes pour mener à bien le bon déroulement de ces opérations », a déclaré Emmanuel Macron. « Sans ces élections, il n’y aura pas de gouvernement en état de marche l’an prochain en Libye », a averti un haut responsable américain.
Des élections incertaines
Les élections, les premières de l’histoire du pays, restent très incertaines sur fond de regain de tensions entre camps rivaux, entre ouest et est du pays, à l’approche de l’échéance. La présidentielle et les législatives, aboutissement d’un processus politique laborieux parrainé par l’ONU, sont censées mettre fin à l’instabilité qui secoue le pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, ainsi qu’aux divisions et aux luttes fratricides.
Le dépôt de candidatures pour l’élection du chef d’Etat s’est ouvert lundi. Les spéculations vont bon train sur les intentions de Seif Al-Islam Kadhafi, fils de l’ancien « Guide », et du maréchal Khalifa Haftar.
Le premier ministre du gouvernement d’unité nationale de transition libyen, Abdelhamid Dbeibah, a dit avoir insisté au cours de ce sommet sur des changements urgents aux règles électorales sur lesquelles bataillent les divers organes politiques du pays. Il n’y a ainsi toujours pas d’accord sur les bases constitutionnelles permettant la tenue des élections ni sur une éventuelle possibilité pour Abdelhamid Dbeibah lui-même de se présenter à une date aussi proche du scrutin. Il avait promis de ne pas être candidat.
Certains pays présents à la conférence sont impliqués au côté des belligérants : l’Egypte, les Emirats arabes unis ou la Russie auprès de l’homme fort de l’Est libyen ; la Turquie auprès du camp de Tripoli. D’autres œuvrent au règlement de la crise (Allemagne, Italie, France). Etaient également présents la vice-présidente des Etats-Unis Kamala Harris, dont le pays a été moins actif ces dernières années sur le dossier, le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et des chefs d’Etat de pays voisins (Niger, Tchad).
L’Allemande Angela Merkel, l’Italien Mario Draghi et les Libyens Mohamed Al-Manfi, président du Conseil présidentiel, et Abdelhamid Dbeibah, premier ministre, ont coprésidé la conférence, aux côtés d’Emmanuel Macron.
Un plan de départ des mercenaires
La France souhaitait initialement que les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan participent à ce sommet mais ces deux pays ont finalement envoyé des émissaires de moindre rang : la Russie était représentée par son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, et la Turquie n’a délégué qu’un vice-ministre des affaires étrangères, Sedat Önal.
La conférence a aussi endossé un plan « de départ des forces et mercenaires étrangers » de Libye. Plusieurs milliers de mercenaires russes – du groupe privé Wagner –, syriens proturcs, tchadiens et soudanais sont encore présents en Libye, selon l’Elysée.
« Un premier pas a été fait en effet avec l’annonce hier (…) du retrait de 300 mercenaires » au service du camp de l’homme fort de l’Est libyen Khalifa Haftar, a souligné M. Macron. « Mais ce n’est qu’un début : la Turquie, la Russie doivent aussi retirer sans délai leurs mercenaires et leurs forces militaires, dont la présence menace la stabilité et la sécurité du pays et de toute la région. »
« Il y a un certain nombre de réticences côté turc. C’est une bonne chose qu’on puisse voir un premier retrait, ça va servir d’exemple. Les choses ont démarré », a renchéri Angela Merkel.
Si la Turquie se montre peu pressée d’engager un retrait de ses forces, le Kremlin, lui, dément tout envoi de militaires ou mercenaires en Libye ainsi que tout lien avec le groupe Wagner.