À quelques semaines de la fin du retrait des troupes américaines d’Afghanistan, les talibans ont affirmé jeudi qu’ils contrôlaient désormais 90 % des frontières du pays. Privées du soutien américain, les forces gouvernementales ont le plus grand mal à endiguer l’offensive des insurgés.
Dans un entretien à l’agence de presse russe officielle Ria Novosti, un porte-parole des talibans a déclaré jeudi que les frontières de l’Afghanistan avec le Turkménistan et l’Iran étaient “entièrement” passées sous contrôle taliban. “Nous contrôlons également la frontière avec le Pakistan – à l’exception de quelques petites sections”, a précisé Zabiullah Mujahid.
Selon Gulf News, les talibans ont également affirmé qu’ils ne “toléreraient pas la présence du groupe terroriste État islamique en Afghanistan” et qu’après le retrait américain, le pays n’accepterait plus aucune force étrangère dans le pays, pas même la Turquie, “qui est en discussions avec Washington pour prendre le relais de la gestion de l’aéroport de Kaboul”.
“Nous avons déjà rejeté la position de la Turquie et précisé qu’après le retrait américain d’Afghanistan, nous n’accepterons sous aucun prétexte la présence d’une quelconque force étrangère dans le pays”, a déclaré M. Mujahid.
Il y a quelques semaines, le renseignement américain avait conclu que le gouvernement afghan pourrait s’effondrer à peine six mois après le retrait des forces internationales. Interrogé sur NPR, le directeur de la CIA, William Burns, n’a pas voulu reprendre à son compte cette estimation, reconnaissant toutefois que “l’évolution de la situation [était] inquiétante”.
Les talibans avancent de façon “significative”, a-t-il dit, et jouissent “probablement de leur plus forte position militaire depuis 2001”, lorsqu’ils contrôlaient encore l’Afghanistan, avant d’en être délogés par les Américains.
Alors que le président américain Joe Biden a promis que le retrait des troupes serait finalisé fin d’août – 95 % des soldats ont déjà quitté le pays –, les forces américaines continuent de soutenir le gouvernement afghan, avec les moyens qui leur restent.
Discussions
Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’armée américaine a ainsi mené des frappes contre les talibans dans la province de Kandahar, prenant notamment pour cibles “des équipements américains transférés aux forces afghanes, et dont s’étaient emparés les talibans”, rapporte CNN.
“Une prise de pouvoir complète des talibans est une possibilité”, parmi “de nombreux autres scénarios”, observe le général américain Mark Milley. “Nous suivons la situation de très près, et je ne crois pas que l’issue du conflit soit déjà écrite”, a-t-il dit.
L’agence Reuters a parlé à des hauts responsables américains et afghans, qui affirment qu’après leurs nombreux revers sur le terrain, les forces gouvernementales afghanes sont sur le point de changer de stratégie militaire. Elles vont désormais “concentrer leurs forces autour des zones les plus cruciales, comme Kaboul et plusieurs autres villes, les postes-frontières et les infrastructures essentielles”.
“Cette stratégie, politiquement périlleuse, aura pour conséquence inévitable de céder des territoires aux insurgés”, explique l’agence. “Mais elle semble nécessaire pour éviter la perte des capitales de provinces, qui pourrait profondément fracturer le pays”.
Officiellement, les discussions se poursuivent entre les talibans et les forces gouvernementales, conformément à l’accord de Doha, qui avait fixé en 2020 les conditions du retrait américain.
“Une délégation du gouvernement afghan et des représentants des talibans se sont rencontrés à Doha le week-end dernier, mais les parties n’ont pas pu s’entendre sur le cessez-le-feu tant espéré”, écrit Al-Jazeera.
Selon le président afghan Ashraf Ghani, cité par la Deutsche Welle, les talibans n’ont fait que démontrer “qu’ils n’ont aucune intention de faire la paix”.
Source: Courrier International