La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a sévèrement condamné, mardi 13 avril, la Turquie pour la détention du journaliste et écrivain turc Ahmet Altan, poursuivi pour son implication présumée dans le putsch manqué du 15 juillet 2016.
« Rien ne démontre que les actions du requérant se soient inscrites dans un plan destiné à renverser le gouvernement » turc, soulignent les magistrats européens, qui siègent à Strasbourg. Ceux-ci constatent la violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression, le « droit à la liberté et à la sûreté » et le « droit de faire statuer à bref délai par un tribunal sur la légalité de la détention ». L’arrêt condamne notamment la Turquie à payer un dédommagement de 16 000 euros au célèbre journaliste et écrivain.
Dans un arrêt distinct, la CEDH a également condamné Ankara pour la détention de Murat Aksoy, un journaliste d’opposition placé en détention quelques semaines après la tentative de putsch. « Il n’y avait pas de raisons plausibles de soupçonner M. Aksoy d’avoir commis une infraction pénale », estime la CEDH.
« Messages subliminaux » et « accusations grotesques »
Arrêté une première fois en septembre 2016, M. Altan, 71 ans, avait été condamné à la prison à perpétuité en février 2018 pour « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel », jugement annulé par la Cour de cassation, rappelle la CEDH.
Rejugé, il avait été condamné en novembre 2019 à dix ans et demi de prison pour « complicité avec un groupe terroriste », la justice turque lui reprochant d’être en lien avec le mouvement du prédicateur islamique Fethullah Gülen, qu’Ankara accuse d’avoir ourdi la tentative de coup d’Etat de juillet 2016.
M. Altan, qui a fondé le journal d’opposition Taraf, s’est notamment fait connaître en dehors de la Turquie par le récit de sa vie en prison. Intellectuel respecté dans son pays, il a toujours nié toute implication dans la tentative de coup d’Etat, rejetant des accusations « grotesques ».
Il était notamment accusé d’avoir envoyé des « messages subliminaux » lors d’une émission retransmise en direct sur une chaîne favorable à M. Gülen à la veille du putsch manqué, un élément qui a ensuite disparu de l’acte d’accusation.