Dans une vidéo publiée le 19 mai sur Yurttaş TV, tel un inspecteur de police devant un tableau avec les photos des suspects, Tuncay Özkan, chemise blanche aux manches retroussées et poches sous les yeux, tente d’élucider un crime dont il serait lui-même victime. Depuis le premier tour de l’élection présidentielle turque, le 14 mai, journalistes et électeurs accusent le député d’Izmir et vice-président chargé des relations presse du Parti républicain du peuple (CHP) d’avoir orchestré la défaite de son propre camp et d’être ni plus ni moins qu’un agent double.
Sur le mur blanc, Tuncay Özkan a collé les copies d’écran des vidéos, des tweets et des portraits de ses détracteurs : un ancien policier qui le qualifie d’« agent du palais » et des journalistes proches de l’opposition.
Tuncay Özkan crie à la manipulation visant à affaiblir le CHP quelques jours avant le second tour du 28 mai opposant Kemal Kılıçdaroğlu au président sortant Recep Tayyip Erdoğan. Une affaire qui mêle réseaux terroristes, organisations secrètes et théories du complot… Soit tous les ingrédients de la politique turque auxquels Recep Tayyip Erdoğan lui-même ne cesse de faire référence pour expliquer les pseudo-machinations à son égard.
Liens avec un ancien directeur des renseignements
Pour comprendre cet improbable scénario, il faut revenir à la soirée électorale du 14 mai, qui a soulevé de nombreuses interrogations chez bon nombre d’observateurs. Vers 19 heures, l’agence de presse Anadolu, organe du pouvoir, annonce une large avance de Recep Tayyip Erdoğan et de l’AKP. « Ne tenez pas compte des chiffres d’Anadolu (…) l’agence falsifie la réalité, elle n’est plus crédible », déclare aussitôt Ekrem Imamoğlu, le maire d’Istanbul.
D’après le système de suivi électoral propre au CHP et selon l’agence de presse Anka, proche de l’opposition, Kemal Kılıçdaroğlu serait, au contraire, en tête. Le candidat assure que, en raison de contestations de la part de ses adversaires dans certains bureaux, 8 millions de voix en sa faveur sont en attente d’enregistrement dans le système du Haut Conseil électoral. Puis plus personne ne parle de ces voix en attente de validation. Après avoir annoncé Kemal Kılıçdaroğlu en tête avec 47 % des voix et devant Recep Tayyip Erdoğan, l’agence Anka cesse pendant une heure de mettre à jour les données et finit par annoncer les mêmes résultats qu’Anadolu.
Pour tenter d’expliquer cette volte-face, Tuncay Özkan apparaît comme la personne idéale en raison, notamment, de ses liens notoires avec un ancien directeur des renseignements. « C’est un type louche avec des relations très proches des renseignements généraux et d’une partie de l’administration », estime Cengiz Aktar, professeur de sciences politiques à l’université d’Athènes.
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